Art-Thérapie : Plaidoyer pour une Reconnaissance Professionnelle et Institutionnelle
- 19 mai
- 4 min de lecture
🧩 Introduction
L'art-thérapie, discipline qui conjugue processus créatif et accompagnement thérapeutique, connaît un essor significatif dans de nombreux pays, notamment en France. Intégrée dans certains services hospitaliers, sollicitée dans les structures médico-sociales, proposée dans le secteur privé, elle répond à un besoin croissant d’approches non médicamenteuses, respectueuses de la singularité et du rythme de chacun.
Pourtant, malgré son développement et les retours très positifs de la part des patients, usagers, familles et soignants, l’art-thérapie peine à être reconnue à sa juste valeur. Les professionnels du secteur rencontrent des difficultés majeures : formations aux statuts hétérogènes, confusion des rôles, rémunération sous-évaluée, absence de cadre légal. Ce flou institutionnel nuit autant aux praticiens qu’aux bénéficiaires.
Cet article propose un plaidoyer clair et documenté pour une reconnaissance professionnelle art-thérapie comme profession à part entière, avec des exigences de formation, d’éthique et de statut alignées sur la réalité du terrain.

🎓 Formations : Un paysage morcelé et parfois douteux
Diversité des parcours… mais aussi des dérives
Actuellement en France, il n’existe pas de diplôme d’État spécifique pour devenir art-thérapeute. Cela signifie que plusieurs types de formations coexistent, sans coordination nationale :
Des Diplômes Universitaires (DU), délivrés par des facultés de médecine, de psychologie ou de sciences humaines, comme à Paris V, Grenoble, Toulouse, Lyon ou Tours. Ces formations s'étendent sur 1 à 2 ans, sont souvent ouvertes aux professionnels de santé, du médico-social ou aux artistes, et exigent un mémoire ainsi qu’un stage professionnel. Elles reposent sur des approches rigoureuses et référencées scientifiquement.
Des Certificats délivrés par des écoles privées, avec des niveaux de qualité et de reconnaissance extrêmement variables. Certaines sont bien implantées, comme l’AFRATAPEM, l’INECAT ou PROFAC, d'autres beaucoup moins encadrées, vendant des certifications sans véritable supervision, ni validation universitaire ou pratique supervisée.
Des formations en ligne à distance, parfois douteuses, sans stage, ni accompagnement, qui brouillent encore davantage la lisibilité de la profession.
Dans ce contexte, le Ministère de la Santé et celui de l’Enseignement Supérieur n’ont toujours pas tranché, malgré des demandes récurrentes des associations professionnelles.
⚖️ Cadre juridique : L’absence de reconnaissance nuit à la qualité des interventions
En France, l’art-thérapeute n’est pas reconnu comme une profession réglementée au sens du Code de la santé publique. Cela signifie qu’aucun titre n’est protégé, contrairement à celui de psychologue (défini par le décret n°90-255 du 22 mars 1990) ou de psychothérapeute (décret n°2010-534 du 20 mai 2010).
Cette situation engendre plusieurs problématiques majeures :
Des professionnels formés aux DU, souvent issus du soin, sont mis sur un pied d’égalité avec des personnes ayant simplement suivi quelques modules en ligne.
Des structures institutionnelles (EHPAD, CHU, IME, CMP…) se retrouvent dans l’incapacité de distinguer les profils sérieux des praticiens auto-proclamés.
Certains établissements publics refusent d’embaucher un art-thérapeute en CDI ou en contrat cadre, faute d'une fiche métier claire dans la fonction publique.
💬 Le rapport IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) de 2022 souligne l’urgence d’un encadrement des professions issues du champ de la médiation thérapeutique, dont l’art-thérapie fait partie.
🔗 Référence : Rapport IGAS 2022 – Santé mentale et structuration des pratiques
💼 Rémunération : Un écart injustifié avec les compétences requises
Des niveaux d'études exigeants, une reconnaissance salariale inexistante
Les art-thérapeutes formés en DU ou en écoles reconnues ont suivi entre 300 et 1 000 heures de formation, dont des stages encadrés, des supervisions cliniques, des évaluations pratiques et un mémoire de recherche. Ils maîtrisent des compétences transversales :
Connaissances en psychopathologie
Éthique de la relation d’aide
Médiation artistique (dessin, argile, théâtre, photo, etc.)
Analyse de pratique et rédaction de bilans professionnels
Et pourtant, le salaire brut moyen d’un art-thérapeute salarié est à peine supérieur au SMIC, rarement aligné sur celui des éducateurs spécialisés, des psychologues ou même des psychomotriciens. En libéral, la précarité est courante : déplacements nombreux, tarifs plafonnés par les institutions, charge mentale importante.
📊 Selon l’étude de l’AFRATAPEM de 2023, plus de 45 % des art-thérapeutes diplômés travaillent à temps partiel et cumulent plusieurs contrats précaires.
🧠 L’efficacité de l’art-thérapie n’est plus à démontrer
Appuyée par la recherche, la pratique est mature
De nombreuses études scientifiques attestent des bénéfices de l’art-thérapie dans :
la gestion de l’anxiété et du stress (patients atteints de cancer, de troubles alimentaires, de maladies chroniques),
la communication et l’estime de soi (troubles du spectre autistique, dépression, TDAH),
le traitement post-traumatique (victimes de violences, migrants, enfants placés),
l’accompagnement en fin de vie.
📚 Des revues comme The Arts in Psychotherapy (Elsevier), Frontiers in Psychology ou Revue de Psychothérapie Psychanalytique de Groupe publient régulièrement des recherches validant les effets de l’art-thérapie.
🔗 Exemple d’étude : Elsevier - Effects of Art Therapy in Cancer Care
📣 Plaidoyer : Ce qu’il faut faire maintenant pour une reconnaissance professionnelle art-thérapie
Il est urgent d’agir pour :
1. Unifier la formation
👉 Créer un diplôme national ou une reconnaissance au RNCP (Répertoire National des Certifications Professionnelles).
👉 Fixer des critères communs de validation : mémoire, stage, supervision.
2. Protéger le titre
👉 Instaurer une loi ou un décret définissant le métier d’art-thérapeute, ses prérequis et son cadre éthique.
3. Rémunérer justement
👉 Intégrer les grilles salariales des fonctions publiques hospitalières et territoriales.
👉 Valoriser le travail pluridisciplinaire, l’évaluation clinique et les bilans.
4. Informer le public
👉 Communiquer clairement la différence entre animation artistique et art-thérapie.
👉 Sensibiliser les prescripteurs (médecins, psychiatres, travailleurs sociaux) et les familles.
📝 Conclusion
L’art-thérapie est à la croisée des chemins. Mûre sur le plan clinique, riche de pratiques éprouvées, portée par des professionnels compétents et engagés, elle mérite aujourd’hui un cadre à la hauteur de ses ambitions.
📣 Il est temps que les pouvoirs publics, les établissements, les institutions de formation et les professionnels eux-mêmes s’unissent pour défendre une discipline qui change des vies... à condition de lui donner les moyens d’agir.
👉 En tant qu’art-thérapeute diplômé, je milite pour une reconnaissance claire et juste de notre métier. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour garantir qualité, sécurité et éthique aux personnes que nous accompagnons.
Commenti